Je ne viens p@s à vous par hasard | Adaobi Tricia Nwaubani

"Good mothers know all about patience." 

Adaobi Tricia Nwaubani 

Chers lecteurs, je ne viens pas à vous par hasard. Je vous écris pour partager avec vous un livre, le genre de livres sur lequel tu tombes, pensant savoir à peu près ce pour quoi tu signes et qui s’avère être complètement à l’opposé de tes présupposés. Eh bien, c’est exactement ce que I Do Not Come By Chance  (Ndrl : « Je ne viens p@s à vous par hasard » en version française) est. Un récit brut, sans fards, et incroyablement drôle que j’ai lu dans sa version originale pour ne rien perdre de la saveur de sa drôlerie.

Le début de cette histoire n’est pourtant pas des plus amusants. Kingsley, ingénieur nigérian fraichement diplômé, perd son père, sa fiancée et se retrouve au chômage dans un terrible enchainement d’évènements. 

Devenant le chef de famille suite au décès de son père, acculé de tout part et épuisé par sa vie de misères, notre jeune homme se tourne vers son oncle, Boniface alias Cash Daddy, un spécialiste des magouilles en tous genres et dirigeant d’une société de 419ers, à savoir l’arnaque professionnelle à la sauce nigériane. 

Vous avez sûrement reçu des mails de prétendus avocats qui vous annonçaient un héritage miraculeux à récupérer, moyennant des frais à avancer. Des mails de ce type, j’en ai reçu pléthore dans le passé et ils sont tellement bien tournés qu'on est vite pris au piège si on y prend pas garde. Le fait est que ce business de l’arnaque marche du tonnerre et des personnes comme Cash Daddy, l'oncle du héros, sont devenus des experts en la manière d’arnaquer la légion de crédules vivants en Occident. 

Commence alors la montée progressive de notre jeune homme vers la haute sphère de l’arnaque professionnelle. D’abord réticent de gagner son pain d’une manière aussi déshonorante, le héros finit petit à petit par laisser ses scrupules derrière lui et prend goût à ce monde de faux-semblants et d'argent facile. 

Il y a indéniablement quelque chose de fascinant dans ce roman à vrai dire. Finalement, qui est le plus immoral? Une personne comme Cash Daddy qui arnaque sans merci des riches occidentaux mais qui derrière redistribue une partie de cet argent dans la communauté locale OU les gouvernements qui vendent leurs pays aux plus offrants et laissent leur population dans une misère sans nom?

Comment juger Kingsley, déchiré entre l'impératif d'assurer un confort à sa famille et de grandes valeurs qui ne lui ont apporté que désillusions? Comment être soi dans une société où l'argent ne fait pas tout mais sans lequel on ne peut rien faire?

Il y a indéniablement beaucoup de cynisme dans ce roman, peut-être un peu trop pour moi. Néanmoins, je salue l’effort d’honnêteté de l’auteur et la précision avec laquelle elle ne ménage personne; ni les arnaqueurs et leurs motivations (parfois) douteuses; ni leurs victimes, jouissant pour la plupart d’un bon niveau de vie et qui motivés par l’appât du gain ou trop de naïveté, se laissent quand même berner. 

A noter également dans ce roman, beaucoup de situations qui vous feront rire aux larmes, tant l’auteure sait saisir avec férocité les failles de chacun et les tourner en dérision, les unes après les autres, pour le plus grand bonheur du lecteur.